Ane chargé d'éponges, et l'Ane chargé de sel (L')


Recueil : I parution en 1668.
Livre : II
Fable : X composée de 35 vers.

La Fontaine
001  
002  
003  
004  
005  
006  
007  
008  
009  
010  
011  
012  
013  
014  
015  
016  
017  
018  
019  
020  
021  
022  
023  
024  
025  
026  
027  
028  
029  
030  
031  
032  
033  
034  
035  
Un Anier, son Sceptre à la main,
Menait, en Empereur Romain,
Deux Coursiers à longues oreilles.
L'un, d'éponges chargé, marchait comme un Courrier ;
Et l'autre, se faisant prier,
Portait, comme on dit, les bouteilles :
Sa charge était de sel. Nos gaillards pèlerins,
Par monts, par vaux, et par chemins,
Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent,
Et fort empêchés se trouvèrent.
L'Anier, qui tous les jours traversait ce gué-là,
Sur l'Ane à l'éponge monta,
Chassant devant lui l'autre bête,
Qui voulant en faire à sa tête,
Dans un trou se précipita,
Revint sur l'eau, puis échappa ;
Car au bout de quelques nagées,
Tout son sel se fondit si bien
Que le Baudet ne sentit rien
Sur ses épaules soulagées.
Camarade Epongier prit exemple sur lui,
Comme un Mouton qui va dessus la foi d'autrui.
Voilà mon Ane à l'eau ; jusqu'au col il se plonge,
Lui, le Conducteur et l'Eponge.
Tous trois burent d'autant : l'Anier et le Grison
Firent à l'éponge raison.
Celle-ci devint si pesante,
Et de tant d'eau s'emplit d'abord,
Que l'Ane succombant ne put gagner le bord.
L'Anier l'embrassait, dans l'attente
D'une prompte et certaine mort.
Quelqu'un vint au secours : qui ce fut, il n'importe ;
C'est assez qu'on ait vu par là qu'il ne faut point
Agir chacun de même sorte.
J'en voulais venir à ce point.
Haut de page

Source Esope, L'âne chargé de sel - Faërne, Les deux ânes.
Images

297x402
Ane chargé d'éponges, et l'Ane chargé de sel (L')
Jean-Baptiste Oudry
Peintre et graveur français (1686 -1755)

536x252
Ane chargé d'éponges, et l'Ane chargé de sel (L')
Gustave Doré
Illustrateur français (1832-1883)
EsopeAne chargé d'éponges. (D'un)


100x72
FableUn Âne chargé de sel se plongea dans une rivière, et si avant que tout son sel se fondit. Quelques jours après, comme il repassait chargé d'éponges près du même gué, il courut s'y jeter, dans la pensée que le poids de sa charge y diminuerait comme il avait diminué la première fois ; mais le contraire arriva. L'eau emplit les éponges, et de telle sorte qu'elles s'enflèrent. Alors la charge devint si pesante, que le Baudet qui ne pouvait plus la soutenir, culbuta dans le fleuve, et s'y noya.

SensFable non commentée.