Ivrogne et sa Femme (L')


Recueil : I parution en 1668.
Livre : III
Fable : VII composée de 28 vers.

La Fontaine
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Chacun a son défaut où toujours il revient :
Honte ni peur n'y remédie.
Sur ce propos, d'un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n'appuie
De quelque exemple. Un suppôt de Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu'ils sont au bout de leurs écus.
Un jour que celui-ci plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille,
Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
Là les vapeurs du vin nouveau
Cuvèrent à loisir. A son réveil il treuve
L'attirail de la mort à l'entour de son corps :
Un luminaire, un drap des morts.
Oh ! dit-il, qu'est ceci ? Ma femme est-elle veuve ?
Là-dessus, son épouse, en habit d'Alecton,
Masquée et de sa voix contrefaisant le ton,
Vient au prétendu mort, approche de sa bière,
Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer.
L'Epoux alors ne doute en aucune manière
Qu'il ne soit citoyen d'enfer.
Quelle personne es-tu ? dit-il à ce fantôme.
- La cellerière du royaume
De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger
A ceux qu'enclôt la tombe noire.
Le Mari repart sans songer :
Tu ne leur portes point à boire ?
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Source Esope, La femme.

Remarque :
Une femme avait un ivrogne pour mari. Voulant le délivrer de ce vice, elle imagina la ruse que voici.

Quand elle le vit alourdi par l'excès de boisson et insensible comme un mort, elle le prit sur ses épaules, l'emporta et le déposa au cimetière, puis elle repartit. Quand elle pensa qu'il avait repris ses sens, elle revint au cimetière et heurta à la porte. L'ivrogne dit:
- Qui frappe ?
La femme répondit:
- C'est moi, celui qui porte à manger aux morts.
Et l'autre:
- Ce n'est pas à manger, l'ami, mais à boire qu'il faut m'apporter. Tu me fais de la peine en parlant de nourriture au lieu de boisson.
Et la femme, se frappant la poitrine:
- Hélas, malheureuse, dit-elle, ma ruse n'a servi de rien. Car toi, mon mari, non seulement tu n'en es pas amandé, mais tu es devenu pire encore, puisque ta maladie est tournée en habitude.

Cette fable montre qu'il ne faut pas s'attarder aux mauvaises actions, car même sans le vouloir, l'homme est la proie de l'habitude.
Images

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Ivrogne et sa Femme (L')
Gustave Doré
Illustrateur français (1832-1883)
EsopeFemme. (D'une)


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FableUne Femme avait un ivrogne pour Mari. Voulant le délivrer de ce vice, elle imagina la ruse que voici. Quand elle le vit alourdi par l'excès de la boisson et insensible comme un mort, elle le prit sur ses épaules, l'emporta et le déposa au cimetière, puis elle partit. Quand elle pensa qu'il avait repris ses sens, elle revint au cimetière et heurta à la porte. L'ivrogne dit: " Qui frappe ? " La Femme répondit : " C'est moi, celui qui porte à manger aux morts. " Et l'autre: " Ce n'est pas à manger, l'ami, mais à boire qu'il faut m'apporter. Tu me fais de la peine en me parlant de nourriture au lieu de boisson. " Et la Femme se frappant la poitrine: " Hélas, malheureuse, dit-elle, ma ruse n'a servi de rien. Car toi, mon Mari, non seulement tu n'en es pas amendé, mais tu es devenu pire encore, puisque ta maladie est tournée en habitude ". Cette fable montre qu'il ne faut pas s'attarder aux mauvaises actions, car même sans le vouloir, l'Homme est la proie de l'habitude.

SensFable non commentée.