Laitière et le Pot au lait (La)


Recueil : II parution en 1678.
Livre : VII
Fable : X composée de 43 vers.

La Fontaine
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Perrette sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple, et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l'argent,
Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m'est, disait-elle, facile,
D'élever des poulets autour de ma maison :
Le Renard sera bien habile,
S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l'eus de grosseur raisonnable :
J'aurai le revendant de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s'excuser à son mari
En grand danger d'être battue.
Le récit en farce en fut fait ;
On l'appela le Pot au lait.

Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n'est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m'écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m'élit roi, mon peuple m'aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.
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Source Comparaison des alquemistes à la bonne femme qui portait une potée de lait au marché (Bonaventure des Périers, les contes et les nouvelles récréations et joyeux devis).

Remarque :
Elle faisait son compte ainsi: qu'elle la vendrait deux liards; de ces deux liards elle en achèterait une douzaine d’œufs, lesquels elle mettrait couver et en aurait une douzaine de poussins; ces poussins deviendraient grands et les ferait chaponner; ces chapons vaudraient cinq sous la pièce; ce serait un écu et plus dont elle achèterait deus cochons, mâle et femelle, qui deviendraient grands et en feraient une douzaine d'autres qu'elle revendrait vingt sous la pièce après les avoir nourris quelque temps; ca serait 12 francs; dont elle achèterait une jument qui porterait un beau poulain, lequel croîtrait et deviendrait tant gentil; il sauterait et ferait « hin ». Et en disant « hin », la bonne femme, de l'aise qu'elle avait en son compte, se prit à faire la ruade que ferait son poulain et, en la faisant, sa potée va tomber et se répandit toute. Et voilà ses œufs, ses poussins, ses chapons, ses cochons, sa jument et son poulain, tous par terre.
Images

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Laitière et le Pot au lait (La)
Gustave Doré
Illustrateur français (1832-1883)

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Laitière et le Pot au lait (La)
Jean-Sébastien
Dessin d'enfant du Pontet

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Laitière et le Pot au lait (La)
Gustave Doré
Illustrateur français (1832-1883)