Pouvoir des Fables (Le)
Recueil : | II parution en 1678. | |
Livre : | VIII | |
Fable : | IV composée de 70 vers. |
La Fontaine
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A M. De Barrillon [1] La qualité d'Ambassadeur Peut-elle s'abaisser à des contes vulgaires ? Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ? S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur, Seront-ils point traités par vous de téméraires ? Vous avez bien d'autres affaires A démêler que les débats Du Lapin et de la Belette. Lisez-les, ne les lisez pas ; Mais empêchez qu'on ne nous mette Toute l'Europe sur les bras. Que de mille endroits de la terre Il nous vienne des ennemis, J'y consens ; mais que l'Angleterre Veuille que nos deux Rois se lassent d'être amis, J'ai peine à digérer la chose. N'est-il point encor temps que Louis se repose ? Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las De combattre cette Hydre ? et faut-il qu'elle oppose Une nouvelle tête aux efforts de son bras ? Si votre esprit plein de souplesse, Par éloquence, et par adresse, Peut adoucir les coeurs, et détourner ce coup, Je vous sacrifierai cent moutons ; c'est beaucoup Pour un habitant du Parnasse. Cependant faites-moi la grâce De prendre en don ce peu d'encens. Prenez en gré mes voeux ardents, Et le récit en vers qu'ici je vous dédie. Son sujet vous convient ; je n'en dirai pas plus : Sur les Eloges que l'Envie Doit avouer qui vous sont dus, [2] Vous ne voulez pas qu'on appuie. Dans Athène autrefois peuple vain et léger, Un Orateur voyant sa patrie en danger, Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique, Voulant forcer les coeurs dans une république, Il parla fortement sur le commun salut. On ne l'écoutait pas : l'Orateur recourut A ces figures violentes Qui savent exciter les âmes les plus lentes. Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put. Le vent emporta tout ; personne ne s'émut. L'animal aux têtes frivoles Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter. Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter A des combats d'enfants, et point à ses paroles. Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour. Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour Avec l'Anguille et l'Hirondelle : Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en nageant, Comme l'Hirondelle en volant, Le traversa bientôt. L'assemblée à l'instant Cria tout d'une voix : Et Cérès, que fit-elle ? - Ce qu'elle fit ? un prompt courroux L'anima d'abord contre vous. Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse ! Et du péril qui le menace Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet ! Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ? A ce reproche l'assemblée, Par l'Apologue réveillée, Se donne entière à l'Orateur : Un trait de Fable en eut l'honneur. Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi-même, Au moment que je fais cette moralité, Si Peau d'âne m'était conté, J'y prendrais un plaisir extrême, Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant Il le faut amuser encor comme un enfant. |
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Source
Esope, L'Orateur Démade.
Remarque :
Le personnage dans Prooeminium d'Abstémius ne portait pas de nom, ce qui permis à La Fontaine de substituer au modèle primitif, sinon Démosthène, à qui Plutarque, dans ses Vies des dix orateurs (VIII), prête un subterfuge semblable, du moins un ennemi de Philippe qu parle pour l'indépendance d'Athènes avec autant de conviction que l'auteur du Discour pour la couronne. Voir aussi Desmay, L'Esope du Temps, 2, L'Eloge de la fable, ou la Nature plus éloquente qu l'Art.
Remarque :
Le personnage dans Prooeminium d'Abstémius ne portait pas de nom, ce qui permis à La Fontaine de substituer au modèle primitif, sinon Démosthène, à qui Plutarque, dans ses Vies des dix orateurs (VIII), prête un subterfuge semblable, du moins un ennemi de Philippe qu parle pour l'indépendance d'Athènes avec autant de conviction que l'auteur du Discour pour la couronne. Voir aussi Desmay, L'Esope du Temps, 2, L'Eloge de la fable, ou la Nature plus éloquente qu l'Art.