Bassa et le Marchand (Le)
Recueil : | II parution en 1678. | |
Livre : | VIII | |
Fable : | XVIII composée de 57 vers. |
La Fontaine
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Un Marchand Grec en certaine contrée Faisait trafic. Un Bassa [1] l'appuyait ; De quoi le Grec en Bassa le payait, Non en Marchand : tant c'est chère denrée Qu'un protecteur. Celui-ci coûtait tant, Que notre Grec s'allait partout plaignant. Trois autres Turcs d'un rang moindre en puissance Lui vont offrir leur support en commun. Eux trois voulaient moins de reconnaissance Qu'à ce Marchand il n'en coûtait pour un. Le Grec écoute : avec eux il s'engage ; Et le Bassa du tout est averti : Même on lui dit qu'il jouera s'il est sage, A ces gens-là quelque méchant parti, Les prévenant [2], les chargeant d'un message Pour Mahomet, droit en son paradis, Et sans tarder : Sinon ces gens unis Le préviendront, bien certain qu'à la ronde Il a des gens tout prêts pour le venger. Quelque poison l'envoira protéger Les trafiquants qui sont en l'autre monde. Sur cet avis le Turc se comporta Comme Alexandre [3]; et plein de confiance Chez le Marchand tout droit il s'en alla ; Se mit à table : on vit tant d'assurance En ces discours et dans tout son maintien, Qu'on ne crut point qu'il se doutât de rien. Ami, dit-il, je sais que tu me quittes ; Même l'on veut que j'en craigne les suites ; Mais je te crois un trop homme de bien : Tu n'as point l'air d'un donneur de breuvage. Je n'en dis pas là-dessus davantage. Quant à ces gens qui pensent t'appuyer, Ecoute-moi. Sans tant de Dialogue, Et de raisons qui pourraient t'ennuyer, Je ne te veux conter qu'un apologue. Il était un Berger, son Chien, et son troupeau. Quelqu'un lui demanda ce qu'il prétendait faire D'un Dogue de qui l'ordinaire Etait un pain entier. Il fallait bien et beau Donner cet animal au Seigneur du village. Lui Berger pour plus de ménage [4] Aurait deux ou trois mâtineaux, Qui lui dépensant moins veilleraient aux troupeaux Bien mieux que cette bête seule. Il mangeait plus que trois : mais on ne disait pas Qu'il avait aussi triple gueule Quand les Loups livraient des combats. Le Berger s'en défait : il prend trois chiens de taille A lui dépenser moins, mais à fuir la bataille. Le troupeau s'en sentit [5], et tu te sentiras Du choix de semblable canaille. Si tu fais bien, tu reviendras à moi. Le Grec le crut. Ceci montre aux Provinces [6] Que, tout compté mieux vaut en bonne foi S'abandonner à quelque puissant Roi, Que s'appuyer de plusieurs petits princes. |
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Source
Source inconnue.
Remarque :
La signification politique de l'allégorie ne paraît guère douteuse : Les Provinces-Unies ont cherchées à se soustraire, en 1668, à la protection de Louis XIV; à la veille des traités de Nimègue elles savent ce qu'il en coute pour avoir voulu s'appuyer sur des alliés moins puissants.
Remarque :
La signification politique de l'allégorie ne paraît guère douteuse : Les Provinces-Unies ont cherchées à se soustraire, en 1668, à la protection de Louis XIV; à la veille des traités de Nimègue elles savent ce qu'il en coute pour avoir voulu s'appuyer sur des alliés moins puissants.