Chien à qui on a coupé les oreilles (Le)


Recueil : II parution en 1678.
Livre : X
Fable : VIII composée de 21 vers.

La Fontaine
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Qu'ai-je fait pour me voir ainsi
Mutilé par mon propre maître ?
Le bel état où me voici !
Devant les autres Chiens oserai-je paraître ?
O rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans,
Qui [1] vous ferait choses pareilles ?
Ainsi criait Mouflar, jeune dogue ; et les gens
Peu touchés de ses cris douloureux et perçants,
Venaient de lui couper sans pitié les oreilles.
Mouflar y croyait perdre ; il vit avec le temps
Qu'il y gagnait beaucoup ; car étant de nature
A piller [2] ses pareils, mainte mésaventure
L'aurait fait retourner chez lui
Avec cette partie en cent lieux altérée :
Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée.
Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui
C'est le mieux. Quand on n'a qu'un endroit à défendre,
On le munit [3] de peur d'esclandre [4]:
Témoin maître Mouflar armé d'un gorgerin [5],
Du reste ayant d'oreille autant que sur ma main ;
Un Loup n'eût su par où le prendre.
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[1] Que diriez-vous si l'on vous faisez des choses pareilles ?
[2] A les mordre, à ce jeter sur eux.
[3] On le protège. Du latin "munire", fortifier.
[4] Archaïsme : d'accident facheux.
[5] Le mot désigne une partie de l'armure et prolonge les métaphores militaires des vers précédents.
Source Source inconnue.

Remarque :
La mutilation du chien a peut-être été imaginée par La Fontaine pour former pendant à celle de la perdrix. Mais le réquisitoire contre l'Homme, cette fois, tourne court, mais c'est pour son bien qu'on esorille le jeune dogue.
Images

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Chien à qui on a coupé les oreilles (Le)
Gustave Doré
Illustrateur français (1832-1883)