La morale.

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Pour éviter d'ennuyer ses lecteurs, La Fontaine s'emploie à varier le plus possible la formulation et la position de la morale dans une fable. Il n'hésite pas non plus, à supprimer celle-ci lorsque le contenu est suffisamment explicite, et que la morale apparaît clairement.

Comment présenter la moralité ?

Le moraliste choisit entre plusieurs formules :

  • Exprimer l'opinion des personnages (VI,6 Le Renard, le Singe et les animaux)
  • Ne pas cautionner la moralité et ajouter une note (II,3 Le Loup plaidant contre le Renard par devant le Singe)
  • Utiliser une métaphore (I,12 Le dragon à plusieurs têtes et le dragon à plusieurs queues; II,6 L'oiseau blessé d'une flèche)
  • Se servir du héros comme le Renard (I,2 Le Corbeau et le Renard)
  • Faire constater la leçon par le héros (VI,18 Le Chartier embourbé; VI,5 Le Cochet, le Chat et le souriceau)
  • Faire bénéficier de sa propre expérience (I,17 L'homme entre deux âges et ses deux maîtresses; IV,8 L'Homme et l'Idole de bois)
  • Faire tirer la moralité par un dieu (III,4 Les grenouilles qui demandent un roi; VI,18 Le Chartier embourbé)

Le plus souvent, La Fontaine utilise la première personne, dans différentes formes, pour formuler sa morale :

  • Il fait semblant de chercher le sens de sa fable : "«Quelle chose par là peut nous être enseignée ?"» (II,9 l,35 Le lion et le moucheron)
  • Il utilise le nous à la place du je s'il évoque un travers répandu : «Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres,/ Et ne croyons le mal que quand il est venu» (I,8 l,58-59 L'hirondelle et les petits oiseaux)
  • Il parle à son lecteur : «Qui d'eux aimait le mieux, que t'en semble, Lecteur ?» (VIII,11 l,24 Les deux Amis)
  • Il s'adresse aux lecteurs pour les avertir : «Trompeurs, c'est pour vous que j'écris» (I,18 l,27 Le renard et la cigogne)

La place de la moralité.

En ce qui concerne la plupart des fables (152 fables), et pour les plus connues, il est facile d'y trouver la morale. En général, celle-ci se trouve à la fin du récit. Cependant, ceci ne répond à aucune règle précise et la présentation se fait dans divers styles. La Fontaine emploie notamment :

  • L'élargissement du sens : "Hélas ! on voit que de tout temps / Les petits ont pâti des sottises des grands" (II,4 Les deux Taureaux et une Grenouille)
  • La généralisation : "Plutôt souffrir que mourir, / C'est la devise des hommes" (I,16 La mort et le bûcheron)
  • Place le lecteur comme son complice : "Quel esprit ne bat pas la campagne / Qui ne fait châteaux en Espagne ?" (VII,10 La laitière et le pot au lait)

Cependant, il arrive que la position de la morale change. Trente fois l'auteur place sa moralité en début de fable, toujours sous des formes différentes :

  • En utilisant l'humour : "Vouloir tromper le Ciel, c'est folie à la Terre" (IV,19 L'Oracle et l'Impie)
  • Il place une morale qui paraît opposée au récit attendu : "Que le bon soit toujours camarade du beau / Dès demain je chercherai femme" (VII,2 Le mal marié)
  • Il organise le récit, après la moralité, en vue d'un trait final inattendu : "Chacun a son défaut où toujours il revient" (III,7 L'Ivrogne et sa Femme)
  • Il propose une méditation philosophique : "La Mort ne surprend point le Sage" (VIII,1 La Mort et le Mourant)

Sept fois nous pouvons trouver sa moralité au milieu de la fable : (I,7 La Besace), (III,2 Les Membres et l'Estomac), (IV,7 Le Singe et le Dauphin), (X,8 Le Chien à qui on a coupé les oreilles).

Il arrive aussi de voir le fabuliste s'indigner dès le début : "Que j'ai toujours haï les pensers du vulgaire !" et questionner à la fin : "En quel sens et donc véritable... / Que sa voix est la voix de Dieu ?" (VIII,26 Démocrite et les Abdéritains); il formule un précepte au début : "Il ne faut point juger des gens sur l'apparence" (XI,7 Le Paysan du Danube) et termine sur une réflexion : "On ne sut pas longtemps à Rome / Cette éloquence entretenir".

Sa formulation.

Toujours avec le soucis de ne pas lasser le lecteur, La Fontaine emploie plusieurs formulations différentes pour amener la morale.

  • Un dieu exprime la leçon : Hercule crie "Aide-toi, le Ciel t'aidera" (VI,18 Le Charretier embourbé).
  • Un héros de la fable ou le personnage principal : La souris dit au souriceau "Garde-toi... de juger les gens sur la mine" (VI,5 Le Cochet, le Chat, et le Souriceau). Le renard dit au corbeau :"Apprenez que tout flatteur / Vit aux dépens de celui qui l'écoute" (I,2 Le Corbeau et le Renard). L'ours dit au vantard : "Il ne faut jamais / Vendre la peau de l'Ours" (V,20 L'Ours et les deux Compagnons).
  • L'auteur exprime l'opinion de ses personnages : "L'on tomba d'accord / Qu'à peu de gens convient le diadème" (VI,6 Le Renard, le Singe, et les Animaux).

Cependant, la formule la plus utilisée reste l'utilisation de la première personne car dans ces cas là, l'auteur se positionne comme le censeur, le moraliste.

  • Il constate : "A l'oeuvre on connaît l'Artisan" (I,21 Les Frelons et les Mouches à miel).
  • Il conseille : "Patience et longueur de temps / Font plus que force ni que rage" (II,11 Le Lion et le Rat).
  • Il instruit : "La raison du plus fort est toujours la meilleure : / Nous l'allons montrer tout à l'heure" (I,10 Le Loup et l'Agneau).
  • Il utilise le nous quand le travers touche tous les hommes : "Nous n'avons pas les yeux à l'épreuve des belles" (VIII,7 Le Chien qui porte à son cou le diner de son Maître".
  • Il s'adresse directement aux personnes concernées par sa leçon : "Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre" (V,16 Le Serpent et la Lime)
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